mercredi 30 juillet 2008

Carte postale

Carte postale peut-être pas esthétique... Mais cela m'a fait sourire.

J'ai capturé cette image en vacance dans le Jura (Dépt 39) dans le parking d'une grande surface. Manifestement cette enseignante était appréciée par ses élèves de « 2de 3 » (nous dirions 4e C), par contre l'histoire ne dit pas si elle a aimé leur façon d'exprimer leur appréciation, fut-elle aussi flatteuse.

dimanche 13 juillet 2008

Rencontre

C'était ce 2 juillet sur le quai de la gare d'Ottignies.
Je vois venir vers moi un visage vaguement familier. Je dois vous avouer que ma mémoire est lente, surtout pour exhumer l'un ou l'autre élève parmi les milliers que j'ai vu passer tout au long de ma carrière. Je dois farfouiller dans toutes mes archives neuronales et avec l'ordre que j'ai ça me prend un certain temps (euh... un temps certain!)
C'était A. Je ne l'ai vue que pendant une année: sa première. Elle doit me rafraîchir la mémoire puis m'explique qu'elle ne fait plus de bêtises depuis que ses dernières frasques, plus une accusation pour vol de professeur (un jour où elle était absente!!!) lui ont valu une mise à la porte de son établissement scolaire.

Je suis devant une jeune fille de 15 ans habillée de noir, jusqu'au ongles, un piercing dans la langue qui brille quand elle rit. Elle est calme, plutôt enjouée et on sent chez elle une certaine personnalité, mais je ne sens pas l'ombre d'une sournoiserie et, selon mes souvenirs elle n'a jamais été malhonnête.

Elle me dit donc qu'elle a décidé de ne plus faire de « bêtises ». Et en cela me précise avoir bien changé.
...elle a « changé »... ? ? ?
Cela m'a laissé perplexe.
Moi, je la retrouvais pareille et elle me dit avoir changé.
Elle me le confirme, insiste et ajoute également en être contente.
Manifestement, pour elle, il y a eu un changement radical tandis qu'à mes yeux, non. Pourquoi cette divergence de vue?

Son comportement « limite » (fumer des choses illicites, p.ex.) était-ce vraiment elle, comme elle le pense, ou seulement une recherche, une transgression, un essai...?
Selon ma façon de voir, on peut effectivement abandonner un comportement inapproprié, inharmonieux sans vraiment changer ce qu'on est réellement. Parce qu'A. me semble avoir acquis dès l'enfance des repères clairs et n'a pas la moindre ombre de perversité en elle. Fondamentalement, je suis persuadé qu'elle est une jeune fille mûre, saine. Et c'est justement pour ça que, lorsqu'elle a fait «des bêtises», elle a su réagir et retrouver le juste fil; et c'est encore très probablement pour ça qu'elle en est satisfaite, parce son comportement se rapproche davantage de ce qu'elle est réellement parce qu'il est plus harmonieux, plus juste, plus vrai....

Pour moi, ce n'est pas elle qui a changé, c'est juste quelque chose dans son comportement, dans sa façon d'agir, dans ses choix.
On a toujours l'occasion d'aller chercher le meilleur en soi, c'est un choix...

Vivre en accord avec sa vraie personnalité, c'est tellement plus facile mais cela nécessite de se connaître et, ça, cela prend du temps!

A, continue comme ça, deviens toi-même, découvre encore davantage, et fais-nous découvrir, ton authentique personnalité.
Bonne année, dans ta nouvelle école.

samedi 5 juillet 2008

Les réflexions et les adieux d'un surveillant-éducateur

Effectivement, la rumeur courait depuis un certain temps

Des raisons personnelles et familiales m'ont encouragé à y songer mais de là à faire le pas... J'ai hésité, je ne le cache pas mais voilà, c'est fait, je serai « pré-retraité » et ne retournerai pas à l'école en septembre. Je m'en vais mais non sans regret.

Certes, mon travail de surveillant-éducateur ne manque pas de côtés rebutants, je pense à certaines tâches administratives fastidieuses ou à certains d'entre-vous, adolescents « rebelles », qui vous mesurez à l'autorité, vous qui essayez de nous embobiner avec vos « vérités », vous qui préférez gaspiller votre énergie (et la nôtre) en sabotage en une guerre d'usure dans laquelle, si vous pensez être quelquefois gagnants, ce n'est qu'illusion.

Néanmoins, j'ai quelquefois eu la satisfaction de penser que j'avais été là, au bon endroit, au bon moment avec l'intuition de la parole juste, celle qui aura permis une prise de conscience importante chez mon interlocuteur. Plus modestement, j'ai aussi, combien de fois, pu remettre du baume au coeur de l'un d'entre-vous blessé par une parole trop vive d'un professeur (souvent lors d'une exclusion de cours.) ou une parole maladroite. J'espère que mes collègues auront aussi pu rattraper l'une ou l'autre éventuelle maladresse que j'aurais pu commettre.

Autres aspects agréables: ce sont les bonjours, les sourires, sans oublier la compréhension affichée par la majorité devant mon rôle pas toujours confortable consistant à invalider certains motifs, à comptabiliser des absences et des retards, à les sanctionner. Devant nos erreurs également, puisque dans la somme de facteurs intervenants dans cette comptabilité, il s'en glisse quelquefois sournoisement l'une ou l'autre.

Depuis que la rumeur de mon départ circule, je reçois des témoignages de sympathie qui me font vraiment chaud au coeur et je garderai comme pièces à conviction de votre sympathie ici une carte pleine de signatures et de cordialité, là quelques dessins récoltés tout au long de ma carrière (je pense en particulier à ma « collection » de caricatures!), je pense aussi à tous ces bisous de fin d'année, ceux de ce dernier vendredi de cours pour la 6C, trésors bien éphémères... à moins de les enfermer dans le coffre de mon coeur.

Merci pour tout cela et tant d'autres petites perles...

Et puis, il me restera aussi des souvenirs de l'un ou l'autre d'entre-vous que le hasard de circonstances particulières m'aura permis d'approcher plus personnellement, ceux aussi dont je me souviens de leur première à leur rhéto(*). Il y a ceux qui m'auront surpris par leur talent pas toujours scolaire: talent musical, talent de dessinateur, par leur propos d'une sagesse et d'une réflexion inattendue pour des « adolescents ». A ce propos, je dois avouer qu'il y a même eu une élève devant laquelle j'étais carrément intimidé ou mal à l'aise mais fasciné tant sa maturité à 16, 17 ans semblait dépasser celle de ses condisciples et même de nombre d'adultes.

Ma carrière dans l'enseignement m'aura en tout cas permis de voir que la maturité, vous la gagnez souvent – heureusement, pas toujours – au prix de difficultés personnelles, vous l'acquerrez à travers une réflexion forcée pour comprendre et dépasser un mal-être, des difficultés; cela vous amène à observer la nature humaine et à comprendre tant de choses... (pourquoi si peu d'entre-vous hésitent à rencontrer le PMS, bel outil gratuit, à votre disposition, qui pourrait vous aider à comprendre plus rapidement la dynamique des relations familiales ou des réactions humaines auxquelles vous êtes confrontés?)

J'ai été sensible au désarroi que semblent vivre certains d'entre-vous pour avoir moi-même été dans l'abattement à la fin de mon adolescence. Je ne pouvais que mieux imaginer le poids que certains portent des semaines, des mois durant.

J'en ai vu ainsi traîner leur triste humeur tout le long de nos couloirs et cela me désolait mais heureusement, j'en ai vu d'autres résolument optimistes, enjoués et souriants et leur saine gaieté me réjouissait.

Il m'arrivait quelquefois (et cela m'arrivera encore) de fixer l'un d'entre vous, le premier qui passait devant moi et de me dire, fasciné: « Voilà tout un Univers »

Ce qui me fascinait quand je vous regardais, c'était, non seulement de me trouver devant tout ce que vous étiez déjà, votre sensibilité, vos peines et vos espoirs, toutes les chutes et toutes les victoires quotidiennes... tout! Et c'est énorme! ...mais aussi devant votre potentiel encore non réalisé. Tout est déjà en vous, les gênes qui seront ceux de vos enfants, les valeurs que vous incarnez et qui feront vos caractéristiques adultes, votre intelligence, votre mémoire, ce puissant outil qu'il reste encore à garnir de quelques connaissances et observations. Tout est là, devant moi mais ni vous ni moi ne savons encore comment cela va s'épanouir. Voilà pourquoi cela me réjouit tellement quand je vois un(e) ancien(ne) venir à ma rencontre serrant la main d'un enfant et me dire: « voilà mon petit garçon, j'ai tel emploi... » ainsi vous n'êtes pas condamnés à rester d'éternels adolescents, vous me montrez aussi quelquefois votre avenir. (Ne m'en voulez pas de ne pas vous reconnaître spontanément si nous nous croisons: c'est que j'ai tellement vu de visages et de noms que ma mémoire en est saturée et déclare souvent forfait!)

Par contre, je conçois que vous soyez angoissés par le futur, souvent d'ailleurs, c'est l'angoisse de vos parents qui résonne en vous, eux qui ne souhaitent que le meilleur pour vous.

Les parents, ils font ce qu'ils peuvent...

« Les gens font ce qu'ils peuvent » m'a dit un jour mon épouse pendant une conversation. Je n'oublierai jamais cette phrase qui donne à tous le droit à l'imperfection, à l'erreur. Aux autres, mais pas à soi: que ce ne soit pas l'occasion de complaisance envers soi! Nous avons à cultiver nos qualités mais aussi corriger nos défauts, pallier nos faiblesses. Personne n'est parfait, un parent, un ami, un collègue vous déçoit? Chacun a le droit à l'erreur, pardonnez-lui, vous aussi, vous ferez peut-être preuve de maladresse un jour...

Nos élèves ont l'âge où toutes les questions se posent et ils n'ont encore aucune réponse! Vais-je trouver le partenaire idéal? Vais-je réussir mes études? Vais-je trouver un emploi?... Oui, vu comme ça, c'est angoissant! Alors, faites autrement. Dites-vous que la vie est assez courte comme ça, ne vous projetez pas dans cette perspective d'un futur où toutes les questions se télescopent et s'écrasent les unes sur les autres, vivez aussi votre présent. Les difficultés, s'il y en a, se présentent les unes après les autres et vous aurez bien assez le temps de les résoudre chacune à son tour.

Si j'ai un conseil à vous donner, c'est celui de ne pas vouloir trouver de réponse tout de suite, ah! impétueuse jeunesse! Vivez le présent, ne soyez pas impatient, les questions sont là, laissez le temps apporter les réponses; restez ouverts, simplement... c'est en restant ouverts et attentifs que vous verrez passer ces réponses, peut-être d'ailleurs certaines arriveront avant même que vous n'ayez pu formuler la question.

A ce propos, je voudrais vous dire un secret: « Le secret du bonheur, c'est... se connaître! » C'est tout bête, mais ça prend des années. C'est souvent à travers les autres qu'on prend conscience de ce qu'on est mais qu'on n'a pas encore réalisé, des valeurs qui ont été étouffées ou sont restées enfouies en soi. Il suffit que quelqu'un nous les montre. Quand on se connaît vraiment, quelle stabilité, quelle sûreté, quelle sérénité cela procure.

Nous avons besoin des autres. Nous sommes à la fois tous différents et tous pareils!


Vous rendez-vous compte de ce curieux phénomène: la distance de vous à moi est plus grande que de moi à vous.

Ce n'est pas très mathématique (ou physique) mais c'est réel: pour moi, l'enfance, l'adolescence et l'âge adultes sont démystifiés. J'en ai connu toutes les étapes. Pour vous, l'enfance: OK; l'adolescence, ben... elle est peut-être encore trop proche pour ça, quant à l'âge adulte – que je représente – c'est l'inconnu, pour vous. Je suis passé par ces stades, j'ai moi-même des enfants et déjà des petits enfants. C'est pour cela que je quitte des élèves qui pour moi sont de jeunes personnes attachantes que je ressens si proches et que j'ai aimées un peu comme mes enfants – les miens ont presque la trentaine – ...en moins fort, bien sûr, mais quand même et certains que je voyais nous quitter, à chaque fin de rhéto, ceux que j'avais suivi depuis plusieurs années, depuis la première, parfois, je les voyais partir non sans un brin d'émotion.

Maintenant, je vous quitte tous, l'émotion n'en est que plus intense.

Vous m'avez souhaité une heureuse (pré)retraite mais vous, vous avez toute une vie devant vous, c'est surtout à moi à vous présenter mes voeux: qu'elle soit riche, pleine et heureuse!

P.Z.

Villers la Ville, le 22 juin 2008


(*) pour les lecteurs non belges, l'enseignement belge se compose de deux tranches de 6 années: l'école « primaire » ou « fondamentale » de 6 à 11 ans et l'école secondaire: l'athénée, de 11-12 ans à 17-18 ans (sans parler des redoublants dont j'ai fait partie, dois-je l'avouer?) La 6e et dernière année s'appelle la « rhétorique ».